• Chapitre 16

    Chapitre 16

    CHAPITRE 16

    AUPRÈS DE MOI TOUJOURS

     

    Quelques jours plus tard, aucun événement paranormal se produisit, Tanda était toujours le même. Asa se prépara pour son spectacle de gymnastique sur lequel elle avait travaillé si fort durant l’année. Ses trois amies habituelles lui tinrent compagnie avant que son échauffement commence et que les trois membres de sa petite équipe arrivent. Leur coach arriva et Asa dut se séparer. Alika la rassura qu’elles n’allaient pas être loin dans les estrades et allaient même la filmer et que tout allait bien se passer. Les lumières se fermèrent peu à peu et elles regardèrent avec impatience les équipes qui précédaient le spectacle d’Asa. Dès que son nom fut annoncé, avec ceux de son équipe, dans la catégorie Gymnastique Acrobatique, Balsa sortit sa caméra et commença à filmer. Elles firent les saluts habituels avant de commencer, puis la musique partie. Motoko grimaça de surprise en voyant à quel point elle était souple, et surtout, assez forte pour se tenir en équilibre sur ses bras alors qu’elle avait les jambes placées en équerre. Alika, quant à elle, en était de plus en plus fascinée. Dès que la musique termina, tout le monde applaudit. Et dès que le gala prit fin, Alika vint voir son amie dans les vestiaires avec un bouquet de fleurs et la prit dans ses bras. Motoko et Balsa les retrouvèrent quelques secondes plus tard.

     

    « Tu as été magnifique ! s'émerveilla son amie.

    - Merci !

    - Le stress est passé ? demanda Motoko.

    - Oui.

    - Asa ? fit une voix féminine. »

     

    L'interpellée se retourna et figea. Balsa l'accota sur elle. La mère d'Asa était là, seule, avec un bouquet de fleur. Leur ressemblance était frappante, même flagrante. Elles avaient le même visage, les mêmes yeux, la même taille (ou presque). Sa mère avait une longue tresse attachée sur le ventre. Quelque chose faisait sentir à Balsa que la mère d’Asa n’était pas si méchante que ça, qu’au contraire, elle respirait la confiance. Son beau-père n’était pas là, heureusement car Motoko lui aurait probablement mit un coup de pied sur la gueule. Au lieu, elle était accompagnée de Sayo et de son chum.

     

    « Maman... murmura Asa.

    - Bonsoir ma Chérie. Tu as été formidable.

    - ... Merci. Mais qu'est-ce que tu fais ici ?

    - Je suis venue te voir. N'est-ce pas ce qu'une maman doit faire lorsque son enfant a un gala de gymnastique ? (elle sourit et observa les trois autres amies derrière elle) Alors ce sont elles qui ont pris soin de toi durant un mois ?

    - Oui, répondit timidement Asa. Et je ne les remercierai jamais assez pour tout ce qu'elles ont fait pour moi.

    - Ce sont de bonnes amies, d'après les dire de Sayo. »

     

    Balsa sourit et prit discrètement la main de Motoko pour voir quelle serait la réaction de la maman d'Asa.

     

    « Asa est surtout une jeune femme très délicate, douce et attentive, complimenta Alika.

    - Je n'en doute pas. Puis-je vous la prendre pour la soirée ? Nous avons beaucoup à se dire. »

     

    Asa regarda ses trois amies, incertaine. Motoko la rassura en lui chuchotant qu'elle pouvait l'appeler et qu'elles écouteraient à l'autre bout de la ligne.

     

    « Bien sûr, répondit Motoko. Par contre, elle revient chez nous après.

    - Soyez rassurées. (elle aperçut les mains de Balsa et son amie ensembles, mais ne dit rien) Je vous la ramène dès que nous avons fini.

    - C'est bon ! »

     

    Asa rejoignit sa mère qui lui donna le second bouquet de fleur. Sayo les laissa partir ensembles et parla avec les trois autres amies restantes. Fujimaru observa les mains de Balsa et Motoko avant de sourire.

     

    « Deux femmes ensembles...

    - Qu'est-ce que tu as contre ça ? grinça Sayo.

    - ... Prends-le pas mal, j'allais dire que c'était vraiment cutes !

    - Ah !... Au fait les filles, ma mère n'est plus avec mon beau-père. Depuis une semaine. Elle ne veut plus entendre parler de lui, elle a été dégoûtée.

    - Peut-être devrait-on aller en parler dehors, proposa Balsa.

    - Bonne idée. »

     

    Une fois dehors, proche du stationnement, elles continuèrent leur conversation avec le seul homme du groupe.

     

    « Donc, dit Sayo, pour continuer : elle l'a jeté dehors.

    - Pourquoi ?

    - Elle a découvert quelque chose, qui était dix fois plus pire que le fait que ma sœur soit lesbienne. Elle a, par hasard et sans le vouloir, trouvé le journal intime de ma sœur et a osé lire les titres qu'elle écrivait.

    - Violation du jardin secret, sortit Alika.

    - Je sais, mais écoute jusqu’au bout ce que j’ai à dire. Elle est tombée sur le titre : "Violée par son beau-père", du coup, elle a voulu continué plus loin et a repéré d’autres titres portant le même mot, mais à différentes dates... et différentes années.

    - Nous savions qu’elle a été violée par lui, elle nous l’a avouée durant que nous étions au chalet, confirma Balsa. Alors c’est pour ça qu’elle laissé votre beau-père ?

    - Oui. Je l’ai un peu entendu le soir, quand leur relation a cessé.

    - Tu t’en souviens mot pour mot ? sourit Motoko.

    - Non, mais elle l’a crié. Par la suite, elle a voulu savoir ce qui était advenu d’Aa-Chan en venant me voir. Elle a donc attendu son gala pour la retrouver.

    - Donc, elle va lui expliquer que son homosexualité ne la dérange pas si j’ai bien compris ?

    - Exactement. Depuis ce jour, elle a changé sa perception envers ces personnes-là. Vous verrez, tout se passera bien. Maman va aller la reconduire chez vous une fois terminée. Jurée.

    - Ça fait du bien à entendre, soupira Alika. Elle s’appelle comment votre maman ?

    - Retsu Unohana.

    - D’accord, j’étais curieuse. »

     

    Asa se changea et dit au revoir à ses trois autres partenaires de spectacle. Retsu la fit embarquer sur le côté passager, mais elle riposta comme quoi elle voulait conduire pour lui montrer ses progrès – Grâce à Ba-Chan, pensa Asa. La maman, surprise, ne sut pas quoi répondre, mais elle lui passa tout de même les clés et elles partirent à un restaurant-crémière.

     

    « Qu’est-ce que tu veux ma chérie ?

    - Je peux le payer tu sais.

    - Non, non. C’est moi qui payerai. Tu reviens d’un magnifique spectacle. Alors ?

    - Un Sunday.

    - D’accord. »

     

    Une fois l’addition fut payée, Asa fit discrètement le numéro de cellulaire de Motoko avant de commencer sa discussion avec sa mère. Elle ne dit rien, laissant le loisir à sa mère de parler la première. En entendant, elle s’attaqua à son Sunday.

     

    « J’ai beaucoup réfléchis ce dernier mois. Tu dois te demander pourquoi je n’ai jamais essayé de te retrouver ou même de te contacter.

    - M’ouais... ne répondit-elle, la bouche pleine de crème glacée. Un peu, mais ça m’a plu comme ça. Je me sentais autonome et indépendante.

    - Tu as pris de l’assurance et du caractère ce dernier mois, sourit Retsu. Concernant tes amies, comment ont-elles été avec toi ?

    - Oh ! vraiment très sympas, gentilles, écoutantes, amusantes ! Alika m’a hébergée chez elle jusqu’à maintenant. Tu savais qu’Alika habitait avec sa grande sœur ?

    - Non, je ne savais pas. Elles s’entendent bien ?

    - Oh oui, vraiment bien. Je l’envie d’avoir une si gentille "Oneesama".

    - "Oneesama" ?

    - Elle lui voue une telle admiration, que ce surnom est un signe de respect. De plus, Balsa, la grande sœur, a pris soin de moi, elle a répondu à toutes mes questions, calmer mes angoisses, a pris le temps de m’écouter. Grâce à elle, je ne m’auto-... se coupa-t-elle rapidement pour éviter de se faire questionner par sa mère et d’avoir une trop grosse réaction. Eh, je veux dire : je ne fais plus de crise d’angoisse, j’ai mon permis probatoire, j’ai même un job pour l’été !

    - Wow, tu en as fait des choses.

    - Tu es fière de moi ?

    - Bien sûre ! Voyons, quelle maman ne serait pas fière de sa fille et de ses progrès ? Il ne faut pas que tu lâches, c’est le seul conseil que je puisse t’offrir. Mais je peux t’épauler. Tu as d’ailleurs très bien conduis.

    - C’est grâce à Balsa-Chan et ses cours. Elle ne stress même pas ! Je conduisais et elle avait les pieds sur le tableau de bord, le siège un peu incliné, très sereine.

    - Et tu aimes ça être en appartement ?

    - Oui. Avec des amies bien sûr.

    - As-tu envie d’avoir de mes nouvelles, toi ?

    - Vas-y, lâches-toi mais ne me réprimande pas.

    - En aucun cas. »

     

    De l’autre bout de la ligne, Balsa, Alika et Motoko étaient proches du hautparleur et écoutaient la conversation comme de vraies stalkers. La grande sœur était flattée des compliments.

     

    « J’ai longuement réfléchis à ce que je t’avais criée, le soir où tu es partie de la maison. Je m’en voulais énormément, tu ne peux pas savoir comment je me sentais mal quand tu es partie. J’y suis allée trop fort avec toi, et c’était sans doute l’avis de Sosuke Aizen...

    - Le beau-père... grimaça-t-elle, la langue blanche.

    - Non, plus maintenant.

    - Hein ?

    - Attend, je vais terminer ma phrase : comme je le disais, c’était sans doute l’avis de Sosuke qui m’a influencée. Je pense que je ne voulais pas le perdre. Je suis tellement horrible.

    - Mais non, ne dit pas ça. Je sais ce que c’est de suivre le groupe...

    - Il était homophobe, raciste, sexiste... horribles qualités dirais-je. Après que tu m’aies avouée que tu étais lesbienne, je voulais conserver le secret, mais il m’a quand même forcé à lui dire. Je savais que je briserais ta confiance, mais j’étais tellement naïve avec lui il y a un mois... Et, quand il n’était pas là, j’ai décidé de changer ma perception. Bien que je sois habituée à ce genre de relation, deux femmes ensembles, bien que je côtoie des patients de toutes orientations dans mon travail, directrice de l’hôpital, je ne m’attendais pas à ce qu’une de mes filles me l’avouent. J’ai donc regardé plusieurs films où il y avait des lesbiennes, des bisexuelles, des couples homos. J’ai fini par m’y habituée, j’ai fait de nombreuses recherches, des témoignages de coming-out, comment ces jeunes adultes ont découvert leur homo/bisexualités... et ma réaction le soir que tu es partie, était terrible... je m’en veux, Aa-Chan. Je suis désolée, je suis vraiment désolée... je pense que mes excuses ne seront pas assez pour t’exprimer à quel point je suis navrée de t’avoir blessée, de t’avoir fait autant de mal... (elle essuya ses larmes discrètement) Et surtout avoir brisé ta confiance. Je comprends que tu ne veuilles plus me l’accorder... je l’aurais bien méritée.

    - Ne dit pas ça... »

     

    Asa prit une cuillérée de son Sunday et tendit sa cuiller à sa mère. Elle sourit un peu et la mangea. Même si elle était encore un peu en colère, Asa pardonnait ceux qu’elle choisissait. Ceux qui étaient irremplaçables dans sa vie. Elle savait que plein de jeunes adultes gays, bi, ou lesbi n’auraient pas offert de nouveau leur confiance, mais elle, elle était différente. Elle s’appelait Asa. Asa comme l’aube.

     

    « Ça va, maman. Ça va mieux, maintenant. Arrête de t’excuser, je sais que tu es sincère.

    - Tu veux savoir la raison pourquoi je ne suis plus avec Sosuke ?

    - Oui.

    - ... Je sais que j’ai violé ton jardin secret, j’en suis encore navrée. »

     

    Le cœur de sa fille arrêta un instant. Balsa lui envoya un texto en lui demandant de rester calme et de continuer à écouter le récit de sa mère. Que c’était à son tour de parler pour que leur relation se stabilise davantage. Elle remercia son amie dans sa tête.

     

    « Continue, insista-t-elle, en sachant les raisons. Ensuite ?

    - ... Je ne le pardonnerai jamais pour ce qu’il t’a fait, il y a trois ans et même après ! Dire que j’ai couché avec un homme que je croyais aimer... le même homme qui osé s’en prendre à ma fille dès qu’il en avait l’occasion ! Je comprends que tu ne l’aies pas dit plutôt, mais ça m’impressionne de savoir que tu n’as rien dit à personne de ce qui t’es arrivé... depuis trois ans. C’est lourd.

    - ...

    - Tu sais ce que je lui ai répondu quand il est revenu, il y a une semaine ?

    - Quoi ?

    - Je lui ai crié : " ‘Incarcéré les homosexuels et les bisexuels’, dis-tu ?! NON ! Ceux qu’on devrait incarcérer, ce ne sont pas les gays, les lesbiennes ou les bisexuels... ceux qu’on devrait incarcérer, ce sont les pédophiles comme toi ! Ceux comme toi qui brisent les jeunes adolescentes, qui les violent. Sale porc ! Sors d’ici et ne revient plus ! Plus JAMAIS, je ne veux te revoir ! Je préfère savoir ma fille lesbienne et heureuse avec la femme qui comblera son cœur, que découvrir qu’elle a été violée avec un homme que je pensais bien !" voilà ce que je lui ai crié. Il a fait ses valises, m’a jetée : "C’est comme ça que ça se termine ?!" Je n’ai rien répondu et j’ai contacté la police.

    - Oh maman... s’apeura Asa. La justice, la cour, les jugements, les-

    - Ne t’en fait pas, j’ai dans mon entourage des avocats très bien réputés. »

     

    Motoko observa ses deux amies. Elle faisait partie de la police, de façon secrète, et donc, elle pourrait sans doute prendre la défense d’Asa. La Oneesama envoya un SMS comme quoi, elles en reparleraient une fois revenue chez elles.

     

    « C’est pour ça que nous ne sommes plus ensembles, termina sa mère. Et puis... concernant ton orientation sexuelle. Ça ne me dérange pas du tout.

    - Plus maintenant ?

    - Non, plus maintenant. Si toi tu es heureuse comme ça, reste comme ça. Tu trouveras la fille de ta vie, et je serais heureuse de la rencontrer dès que le moment sera venu.

    - D’ailleurs, vu qu’on en parle, tu ne savais pas que la grande sœur d’Ali~lili était bisexuelle et qu’elle a récemment une petite-copine ?

    - Non. Mais elles se tenaient par la main quand je suis venue te voir après ton gala.

    - Et comment as-tu trouvé ça ?

    - Elles allaient bien ensembles, avoua-t-elle en riant tout en prenant une gorgée de son smoothies. Tu sais Asa, il y a de nombreux couple lesbien qui viennent me voir à l’hôpital pour une échographie ou même un accouchement, ou pour leurs enfants. Je suis totalement habituée... de voir des patientes lesbiennes. C’est juste que le fait d’apprendre ça sur notre propre enfant alors qu’on imaginait son futur...

    - Oui je sais. Ça a fait un choc. Mais depuis tout le temps, je pense avoir toujours eu un petit penchant pour les femmes et les filles... même si c’était inconsciemment. »

     

    La maman sourit.

     

    « Pour tout dire... c’est grâce à Ba-Chan et Motoko que j’ai enfin compris le sens de mon orientation. Il faut vraiment les remercier.

    - Je le ferai, dans ce cas. Ah oui... je dois te dire... je t’ai également vue durant la marche de la journée internationale contre l’homophobie. Tu as fait un flash mob et était habillée en bleu. »

     

    Le regard d’Asa changea en un regard de stupéfaction à demi-gênée.

     

    « Sinon, dis-moi Aa-Chan, y a-t-il quelqu’un en vue, niveau sentiment ?

    - Eh... une fille ?

    - Oui. Ou un garçon ça ne me dérange pas...

    - Une fille, oui.

    - Qui est-ce ? »

     

    Asa s’arrêta un instant. Son cellulaire était toujours ouvert et savait que ses amies l’écoutaient au bout du fils.

     

    « C’est un secret ! Je vais te la présenter quand j’aurais réussi à lui dire.

    - C’est bon. Prends ton temps. »

     

    Leur amie raccrocha, signe que les moments de tensions étaient passés. Balsa soupira et passa ses bras autour des épaules de Motoko et de sa sœur avant de les coller contre elle.

     

    « Alors je suis une si bonne "Oneesama" que cela ? les taquina-t-elle.

    - Évidemment ! Ne raconte pas n’importe quoi Oneesama ! Asa te connaît maintenant relativement bien et elle t’apprécie déjà beaucoup.

    - Vous savez ce qui va m’être le plus difficile dans tout ça ?

    - Quoi donc ?

    - Me séparer d’elle. Ouais, je la prends pour ma petite sœur, ma seconde petite sœur en fait.

    - Moi, je suis contente que ses problèmes se soient adoucis et qu’elle dorme mieux, sourit Motoko. Je la sens beaucoup moins stressée et ça parait dans son attitude.

    - Ma little Miss Sunshine... Dis ‘Toko-Chan ? questionna Alika.

    - Oui ?

    - Tu seras toujours là au cégep à la session prochaine ?

    - Bien sûre ! Je veux avoir ma Ba-Chan. »

     

    Asa revint chez les sœurs Yonsa, le cœur beaucoup plus léger, mais un peu triste vu qu’elle allait devoir quitter bientôt. Pas le lendemain, mais dans quelques jours. Balsa en fit presqu’un plat – façon parodique – comme si elle perdrait une seconde petite sœur, mais elle en rit. Motoko lui fit part qu’elle pourra l’aider à monter son dossier pour le procès qu’elle allait avoir contre son beau-père.

     

    * * *

     

    Chagum se réveilla avec une boule dans l’estomac et il avait envie de pleurer. Alors il pleura en silence dans son lit, en position fœtus. Il aimait Aoi, il connaissait son orientation sexuelle et il voulait tellement en parler à sa famille, faire un coming-out, mais à chaque fois, ça bloquait. Ils s’étaient embrassés, ils s’aimaient. Son grand frère vint le réveiller, mais Sagum ne vit que son jeune frère dans son lit, en petite boule.

     

    « Hey p’tit frère, tu pensais rester encore longtemps dans ton lit ? P’pa a dit qu’il y avait du ménage à faire dans la maison.

    - ...

    - Yo ! Tu écoutes ta musique ou quoi ?! »

     

    Il tira sur ses couvertures, mais Chagum la tint encore plus fortement. Sagum n’était pas stupide, et même si parfois il adorait lui faire peur comme le réveiller cinq minutes avant de partir au Cégep, il était quand même un grand frère qui aimait son frère comme dans toutes les familles peu importe les conflits.

     

    « Chagum ? Tu te sens pas bien ?

    - ...

    - Laisse-moi te voir, s’te plait. »

     

    La pression sur la couverture se détendit un peu et son frère aîné arriva à voir son frère, de dos.

     

    « Tu as mal au ventre ? »

     

    Il hocha négativement de la tête.

     

    « Alors qu’est-ce qu’il y a ? Tu veux m’en parler ?

    - Non... pas encore.

    - "Pas encore" ? Alors dans combien de temps ?

    - Je ne sais pas...

    - ... D’accord. »

     

    Sagum referma la porte. Chagum se redressa et prit son cellulaire avant de contacter Balsa.

     

    « Oui allô ? résonna sa voix.

    - Balsa ? Je te dérange pas ?

    - Bin non, pas du tout. Qu’est-ce qu’il y a ?

    - ... En fait... je ne me sens pas très bien... et j’aurai vraiment besoin de te parler. C’est vraiment urgent et j’en deviens malade à force.

    - Tu préfères en face à face ou au téléphone ?

    - Face à face... mais si tu es occupée, je comprendrais.

    - Non, non, je n’ai rien. Tu veux que je vienne te chercher et on ira à quelque part pour que tu puisses m’en parler ?

    - Ouais... si possible.

    - C’est bon et à quelle heure voudrais-tu que je vienne te chercher ?

    - Quand tu es prête...

    - D’accord, alors admettons vers les neuf heures et demie, ça irait ?

    - Ça me va.

    - C’est bien. Et en ce moment, comment vas-tu ?

    - Je suis pas dans l’humeur de me faire réprimander par mes parents... j’en ai pleuré à matin et ça fait quelques soirs...

    - Je vois. Ne t’en fait pas, je serai à l’heure. En attendant, tu peux prendre un bon bain pour te relaxer.

    - Le matin ?!

    - Bin oui. Moi, je trouve que ça fait du bien.

    - Si tu le dis.

    - Bon, à tantôt dans ce cas.

    - Oui. »

     

    Elle raccrocha. Chagum ferma son cellulaire et alla à la cuisine manger une petite salade de fruits. Pourtant, la mélancolie s’était emparée de lui et il regardait dans le vide en mâchant tranquillement ses bouchées. Son grand frère arriva et se prépara à partir travailler.

     

    « La liste des tâches à faire est sur la table de cuisine.

    - Je sais. Mais j’ai toute la journée pour la faire.

    - C’est vrai. Bon, moi je file. Tu es sûr que tu vas bien aller ?

    - Mais oui, ne t’inquiète pas frérot.

    - Si tu le dis. Aller, au revoir p’tit-frère !

    - Sois prudent.

    - Je le serais. »

     

    Son grand frère partit, lui permettant de souffler correctement et de reprendre son air triste. Il s’habilla d’un chandail bleu et de shorts bermudas brune avant d’entamer quelques tâches ménagères. Il attendit avec impatience que neuf heures et demie sonne et regardait toutes les quinze minutes l’horloge pour faire passer son stress qui lui rongeait l’estomac. Il avait spasme à ce niveau, quelques secondes seulement, à chaque fois qu’il pensait faire son coming-out à ses parents. Il prit son cellulaire, son portefeuille et alla attendre proche de la porte. Dès qu’il vit la voiture de Balsa dans la cour, il prit ses clés de maison et sortit en verrouillant la porte.

     

    « Bonjour Chagum, le salua-t-elle.

    - Bonjour Balsa.

    - Alors, dit-elle en reculant pour prendre la route, où voudrais-tu aller ?

    - Je ne sais pas trop...

    - Alors je sais où aller. »

     

    Ils arrivèrent devant le centre d’achat. Ils descendirent et entrèrent. Avant d’aller dans les magasins, elle décida d’aller prendre une petite crème glacée avec son ami.

     

    « Je vais te la payer.

    - Mais Balsa... j’en ai déjà sur moi, je pourra-

    - Aller.

    - Bon... si tu insistes autant. »

     

    La grande sœur fit une petite grimace amusée. Une fois assis dans l’air de restauration, après avoir parlé de tout et de rien, Balsa lui demanda ce qui le tracassait autant. Elle s’en doutait un peu, mais lui laissa le temps nécessaire pour qu’il lui annonce de lui-même.

     

    « ... Tu es bisexuelle, non ? dit-il.

    - Oui, répondit-elle.

    - Ou plutôt lesbienne maintenant que tu es en couple avec Motoko ?

    - Eh... on peut dire oui. Je suis bisexuelle en tant que célibataire, mais je me considère lesbienne si je sors avec une femme, ou hétéro avec un homme, comme Tanda. 

    - D’accord. En fait... je voudrais te parler d’une affaire qui me tue à petit feu depuis que je suis chez mes parents et que si je continue de leur cacher, ça me pèsera encore plus. Alors j’ai pensé à toi parce que tu... bin, tu es habituée à ça, non ?

    - Oui. Continue.

    - Est-ce que tu as remarqué que je me tenais souvent avec Aoi durant que nous étions au chalet ?

    - Oui.

    - Bin... en fait, ça a rapport. Parce que... je crois que je suis bisexuel à tendance gay.

    - Tu crois ou tu es ?

    - ... Je suis, je dirais.

    - Et... depuis quand penses-tu l’être ?

    - Depuis le début du cégep. Avant, je n’avais jamais éprouvé un tel coup de foudre pour un garçon et vu tous les préjugés que les gens ont sur les gays...

    - Je comprends. Et ça ne me dérange pas du tout.

    - Je savais que ça ne te dérangeais pas.

    - Tu sais, quand tu m’as appelé pour me demander de l’aide, j’ai pensé que ça aurait pu être ça justement. Mais je n’ai pas osé approfondir le sujet, pour te respecter.

    - C’est gentil.

    - Est-ce que toi, tu l’acceptes ? Tu es bien avec l’idée d’être bi tendance gay ?

    - Oui, j’en suis même fier... un peu.

    - Combien de gens sont-ils au courant ?

    - ... Rien que toi... et Aoi.

    - Même pas Alika ?

    - Non, même pas elle. Je ne doute pas d’elle ni de ses réactions, vu que justement, tu es sa sœur. Mais je sais pas, mon esprit s’est dirigé sur toi en premier lieu.

    - J’en suis flattée.

    - Et tu sais, quand on m’a donné le défi d’embrasser Aa-Chan ?

    - Oui ?

    - J’ai... j’ai été dégouté... j'ai pas aimé ça...

    - Et si ça aurait été un homme ? Aurais-tu plus apprécié ?

    - Peut-être. »

     

    Il eut une courte pause, chacun reprenant une bouchée de leur crème glacée.

     

    « Et qu’est-ce qui te rendais si nerveux et mélancolique ?

    - ... Je suis sûr de mon orientation... et j’aime Aoi. Et il m’aime... seul hic, je ne sais pas du tout comment le dire à mes parents. Je ne pense pas que ma mère en sera dérangée, mais mon père...

    - En as-tu parlé à ton grand frère ?

    - Non.

    - As-tu peur de sa réaction ?

    - Oui...

    - Mais tu t’entends quand même bien avec lui ?

    - À peu près lorsqu’il en a envie...

    - Chagum ?

    - Hum ?

    - Te sentirais-tu mieux si tu lui disais ?

    - ... Au moins, je n’aurai plus de maux de ventre chronique lorsque j’y penserais... mais comment lui dire ? Ça bloque !

    - Oh... bin, s’il sait t’écouter, un soir qu’il sera seul et que tes parents seront dans une autre pièce – ou même en dehors de votre maison – va le voir et dis-lui que tu as quelque chose d’important à lui faire part. Que tu désirs ne pas être jugé, mais bien être écouter. Au pire, je pourrais rencontrer Sagum... si, uniquement, sa réaction est négative. Dis-lui que Balsa est aussi bisexuelle et qu’elle a une petite amie récemment. Ta famille semble ouverte.

    - Sauf mon père je crois...

    - À part lui. Je suis sûre que tout se passera bien.

    - ...

    - Fais-moi confiance.

    - Je te fais déjà confiance.

    - Chagum ?

    - Oui ?

    - Il faut que je te dise quelque chose.

    - Vas-y.

    - Tu sais, avant que vous ne me l’avouiez...

    - "Vous" ? Qui est le second ?

    - C’est ma sœur.

    - Ah bon ?

    - Au début, j’ai toujours cru, parce que vous vous voyiez assez souvent et alliez souvent l’un chez l’autre, que vous vous mettrez ensembles, en couple tous les deux. Mais au final, vois-tu ? Vous avez tous les deux quelque chose de similaire et comme elle le disait : vous n’étiez que des meilleurs amis. Elle avait raison. Car, tu sais, elle aussi s’est découvert une tendance bisexuelle. Mais bisexuelle à tendance lesbienne.

    - Alika aussi ?!

    - Oui. Alors vois-tu ? Elle ne t’aurait jamais jugé et aurais même continué à déconner plus fort avec toi. Mais elle m’a bien rassurée sur le fait que ce n’était pas moi qui l’avait fait devenir comme ça. Elle s’en doutait depuis un très long moment.

    - Tout comme moi...

    - Oui, tout se passera bien. J’en suis sûre et convaincue. »

     

    Balsa sourit et termina sa collation avant d’aller magasiner un peu avec lui dans les jeux vidéo, les livres et les vêtements pour adolescent. Elle le ramena chez lui après avoir calmé ses angoisses. Il referma la porte et fit le ménage en pensant à son coming-out pour son grand frère. Le soir arriva, sa mère et son père revinrent et ils mangèrent normalement. La maman de Chagum avait quelque chose d’organisé avec des amies alors que son père allait à une réunion. Le cœur de Chagum se noua davantage. Son demi-frère n’avait rien, et il allait être dans sa chambre, sans sa blonde – pour sa chance et pour une fois. Alors qu’il terminait de nettoyer la vaisselle, il prit une grande inspiration, observa une photo de Balsa et frotta ses mains pour éviter qu’elles ne soient trop engourdies. Puis, il se dirigea au second étage, retrouver son frère. Il était dans sa chambre, qui était assez spacieuse : il avait un divan, une télévision, un ordinateur et son lit avec un placard et des tablettes. Une chambre de rêve. Il était justement devant la télévision quand Chagum cogna.

     

    « Ah ! Chagum ! Quel bon vent t’emmène-t-il ?

    - Frérot, sois sérieux s’il te plait, dit-il... des plus sérieux.

    - Oh... d’accord. Alors viens t’asseoir. »

     

    Il s’avança dans la pièce et s’assit avec un mal de ventre atroce. Son frère vit son air troublé et continua de le regarder.

     

    « Chagum ? Quelque chose ne va pas ?

    - ... Il faut... il faut...

    - Faut que tu ailles à la salle de bain ?

    - Non... j’ai quelque chose de très... très, très important à te dire et j’ai très peur de ta réaction...

    - Eh... d’accord, je t’écoute. N’aie pas peur, je te mangerais pas. »

     

    Mais à ce moment précis, Chagum explosa et pleura toutes les larmes de son corps devant le visage incrédule de son frère. Le frère aîné ne fit que lui caresser le dos et lui permit de continuer après s’être calmé.

     

    « Raconte, qu’est-ce qui te rend si mal à l’aise ? Si malade ? Tu es comme ça depuis un moment... es-tu dépressif ?

    - Je suis... je suis...

    - Tu es... ?

    - Je suis... b... bisexuel à tendance gay... voilà !

    - Tu veux dire que : tu aimes les garçons ?

    - Ou-oui... si ce n’est plus que les filles ! renifla-t-il bruyamment. J’avais si peur de ta réaction Oniisan ! J’ai peur que tu me rejettes maintenant et l’annonce à tous les membres de la famille quand je serais parti. Je suis parano !

    - Hey du calme p’tit frère, du calme, ça va. Ça ira, ça ne me dérange pas tu sais.

    - Vrai... vraiment ?

    - Ouais. Bien que j’aie eu un petit choc au départ, maintenant c’est déjà passé. Tu sais, j’ai pleins d’amis homos et bi. Je suis habitué. Et puis, avec ma blonde, on fera la descendance à votre place, ton futur petit-ami et toi, rigola-t-il. Allons, je sais que j’aime beaucoup te réveiller à cinq minutes avant le cégep, mais je ne suis pas si con ni chiant au point de crier sur tous les toits "Mon frère Chagum est bi !!!" sans que toi tu ne sois prêt à le dire.

    - ... Tu es sincère ?

    - Mais oui, ça ne me dérange pas plus que ça.

    - Tu es sérieux ?

    - Oui ! Tu es mon frère et ça ne changera pas. Que tu le veuilles ou non.

    - Tu ressembles à Balsa... enfin, niveau caractère, en ce moment.

    - Balsa ? Balsa Yonsa ? Celle qui venait souvent te garder quand tu étais plus jeune et qui est la grande sœur d’Alika, celle avec qui tu te tiens souvent et qui vient régulièrement chez nous ?

    - Oui... et... elle aussi est bisexuelle, et récemment elle a une petite-copine.

    - Qu’elle soit heureuse tout comme toi avec ton futur petit-copain. Tu sais, il y a pire que ça dans la vie. Perdre un parent, c’est pire qu’être homosexuel... et avoir une ITSS aussi ! (il rit) Si toi t’es bien avec ça, ça va. Et je serai avec toi lorsque tu l’annonceras à notre père et à ta mère. S’ils te jettent dehors, je te suivrais.

    - Merci. Ça ne va pas te déranger si je te touche ?

    - C’pas une maladie l’homosexualité. L’homophobie en est une... Et puis, tu seras toujours Chagum. Preuve est... »

     

    Il frappa l’épaule de son petit frère et se mit à se bagarrer fraternellement avec lui.

     

    * * *

     

    C’était le tout dernier chapitre !

    J’espère que vous avez appréciez, n’avez pas été trop dérangés ou autre je-ne-sais-pas. J’aime que tout s’arrange au final et ça me plait :3 Après l’épilogue, ça va juste me faire un peu bizarre de ne pas avoir d’autre fanfic à écrire pour le moment, mais chose sûre : je pensais à une suite à Never Let Me Go, déjà !

    Finalement... c’est pas si compliqué que ça écrire du réaliste sans fantastique ! C’est même amusant avec les tranches de vie =D

    Le mot de la fin arrivera après l’épilogue ;)

    « Chapitre 15Epilogue »

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