• Chapitre 2 : La maison de guérison de Tante Yuka

    Balsa fit monter Alika sur le cheval et marcha à côté.

     

    « Pourquoi ? demanda sa fille.

    - Parce que j’ai plus vraiment de place entre mes jambes et mon ventre pour m’écarter, si tu vois ce que je veux dire.

    - Ah, d’accord. »

     

    Elles atteignirent la frontière entre les clans Yonsa et Musa avant la nuit. Elle était marquée par deux forts de pierre brut de chaque côté de la route au sommet du col de la montagne. Les gardes regardaient simplement les voyageurs traversés pendant qu'ils faisaient paître leurs chèvres. Ils donnèrent à Balsa les directives pour l'auberge le plus proche, et cette nuit-là, elle dormit à l'intérieur pour la première fois depuis bien longtemps. Utilisant un shiruya – couverture utilisé à Yogo, elle s’y enveloppa en compagnie de sa fille et elles dormirent sur le sol proche du foyer comme elles le faisaient souvent à Yogo. Balsa trouvait étrange de se coucher dans un lit de bois brut contre le mur sous un tas de paille qui sentait le moisi.

     

    Au petit matin, elles mangèrent le petit déjeuner à l’auberge puis se mirent en route pour retrouver Tante Yuka, qui semblait bien connue. L’aubergiste leur dit qu’elle tenait une maison de guérison dans la vallée proche du village du Chef du clan, à une heure de l’auberge. Elle fit monter Alika et partir. En chemin, Balsa vit une femme récolter des gasha de la terre sèche et mince sur de petites parcelles étayés par des murs de soutènement en pierre. Encore une fois, elle fut frappée de voir la pauvreté de son pays natal.

     

    « Tu aimes toujours cet endroit même si c’est très pauvre ? se renseigna-t-elle à Alika.

    - J’aime Kanbal pareil, même si c’est pauvre ! s’égaya-t-elle.

    - Tant mieux. »

     

    Les lèvres de Balsa piquaient, gercées par le vent fort et sec. Elles montèrent sur ​​une petite colline et regardaient dans la large vallée qui clapotait doucement. Elle pouvait voir la salle du chef perché sur une élévation au nord et en premier plan, un marché de la taille de Sula Lassal. Situé entre ces deux endroits, un groupe de bâtiment était entouré d'un muret de pierre. À cela, elle réalisa que ça devait être la maison de sa tante. Comme elle approchait, Balsa commença à avoir l'impression qu'elle avait déjà vu cet endroit auparavant. Peut-être, puisque son père l'avait emmenée ici quand elle était très petite. Ce qu’elle vit soudainement la rendit sûre de cet endroit. L'arbre était chargé de fruits rouges, et les oiseaux passaient de branche en branche en poussant des gazouillis joyeux. Le doux parfum de mûre des Yukka se déportait vers elle par le vent. Elle fit descendre sa fille et regardait distraitement sur place les branches quand quelqu'un se déplaça de l'autre côté de la porte en bois. Un vieil homme petit avec un râteau à la main les regardait.

     

    « C’est la maison de guérison ? s’enquit Balsa.

    - Oui, c’est bien ça, répondit-il avec affirmation. Êtes-vous malade ou bien, est-ce la petite ?

    - Non, je ne suis pas un patient. Ni elle d’ailleurs. Je voudrais voir Maîtresse Yuka s’il vous plait. »

     

    L’assistant regarda les deux lances d’un air dubitatif, mais à ce moment précis, une femme solide, assez en chair et aux formes aussi généreuses que Balsa dans la cinquantaine apparut sur le bord de la porte. Ses cheveux poivre-sels étaient attachés en arrière et elle portait une douce robe en laine. Balsa reconnut instantanément ses sourcils bruns, son menton ferme et ses yeux bruns foncés.

     

    « Je suis Yuka Yonsa, souhaitez-vous me voir ? dit calmement la femme. »

     

    Le cœur de Balsa commençait à battre fort dans sa cage thoracique. Toute sa prudence disparue quand elle vit le visage de sa tante.

     

    « Tante Yuka, c’est moi, Balsa. La fille de Karuna. »

     

    La femme médecin la regarda bizarrement, comme si elle avait de la difficulté à comprendre ce que Balsa disait. Puis son visage devint sévère et elle parla tranquillement mais avec force.

     

    « Qui êtes-vous, et pourquoi utilisez-vous le nom de ma nièce ? »

     

    Yuka avait vu pour la dernière fois Balsa quand celle-ci avait six ans. Elle ne pouvait pas s'attendre à trouver cet enfant dans le visage d'une femme déjà dans la trentaine. Balsa la regarda droit dans les yeux et parla calmement et délibérément.

     

    « Je n’utilise le nom de personne. Je suis Balsa. »

     

    Les yeux de sa tente vacillèrent.

     

    « Mais c’est impossible ! Balsa est décédée quand elle avait seulement six ans. »

     

    Balsa se sentit comme si elle avait été frappée à la poitrine. Elle avait prévu quelque chose comme ça, mais entendre les mots de la bouche de sa tante faisait toujours aussi mal.

     

    « Avez-vous vu son corps, à votre nièce ? demanda-t-elle doucement. »

     

    Sa tante devint visiblement pâle.

     

    « Non, comment le pourrais-je ? Elle est tombée dans un puits artésien. Elle a été emportée dans l’eau souterraine et–

    - Tante Yuka, l’interrompit Balsa abruptement, vous voyez la branche sur cet arbre Yukka ? Je ne sais pas quel âge j’avais, mais je me souviens que je suis tombée de là et que je me suis cassée le bras. »

     

    Son visage devint livide, tourna blanc craie et ses lèvres tremblèrent. Elle les pressa ensembles et regarda en scrutant dans le visage de Balsa. D'une main tremblante, elle brossa ses cheveux en arrière.

     

    « Lusula, déesse des rêves, murmura-t-elle, est-ce un cauchemar éveillé ? »

     

    C’est à ce moment-là qu’Alika décolla son visage des "jupes" de sa mère et observa grandement sa grande tante, par curiosité. Yuka la regarda à son tour. Elle ignora ce qu’était ce sentiment, mais cette petite fillette qui tenait une lance avait le même visage enfantin que sa nièce à son âge. C’était à s’y méprendre.

     

    « Qui... est-ce ?

    - C’est Alika. Ma fille.

    - Votre fille... elle ressemble vraiment à... »

     

    Alika se crispa et remit son visage dans la cape de sa mère, se sentant trop scannée et resserra sa poigne solidement dans les vêtements de sa mère.

     

    * * *

     

    Yuka guida Balsa et sa fille dans le salon en leur demandant d’attendre le temps qu’elle aille vérifier ses patients. Balsa prit place sur un divan à deux places et sa fille vint la rejoindre. C’était une pièce confortable. Le sol de pierre polie était jonché d'herbes sèches odorantes et une brise apportait le parfum des fruits yukka suspendus dans une fenêtre plus grande que de la plupart des maisons Kanbalese. Les braises rouges brillaient dans le foyer, et une casserole brillante était accrochée sur le mur intérieur de la cheminée. Dans le milieu de la pièce se trouvait une table recouverte d'un mince drap vert. Un livre unique était apposé sur ​​le dessus de celle-ci. Des bouquets d'herbes étaient accrochés aux poutres du plafond, se balançant dans la brise.

     

    « Ça ressemble à Papa, remarqua Alika.

    - C’est vrai, j’y pensais moi aussi.

    - C’est ta Tante, Maman ?

    - Oui, c’est elle Tante Yuka.

    - Elle est gentille ?

    - Évidemment.

    - Elle n’avait pas l’air au départ, et tu étais anxieuse à un moment donné... »

     

    Balsa sourit.

     

    « Elle ne m’a pas revue depuis mes six ans... par contre, le fait que tu aies montrée ton visage a peut-être dû la faire changer d’idée... (Alika se mis à se tenir le ventre) Tu as mal au ventre ?

    - Non... enfin, un peu.

    - Nerveuse ?

    - Non... Il y a une atmosphère étrange ici. Je ressens trop d’énergie, ça me met à l’envers...

    - Tu finiras sans doute par t’y habituer, sourit sa mère avant de coller sa fille qui frissonnait contre elle. »

     

    Ensembles, elles attendirent Yuka. Des pas se firent entendre et elles tournèrent leur regard vers la porte. Sa tante entra, portant un plateau qui contenait quelques douceurs cuites et deux tasses de Lakalle et un verre de Lakoluka pour la plus jeune.

     

    « Désolée de vous avoir fait attendre, dit-elle incertaine. Heureusement, il y avait moins de patients que d'habitude aujourd'hui. »

     

    Yuka déposa le verre en face d’Alika et offrit la tasse à sa nièce.

     

    « Pourquoi ne me dirais-tu pas ton histoire maintenant ? Tu peux prendre tout ton temps. »

     

    Balsa prit la tasse que sa tante lui offrait. Une flagrance d’épice emplit sa bouche avec la première gorgée, en remuant une mémoire si familière que son nez en fut chatouillé.

     

    « Je connais cette saveur. Mon père m’en donnait quand j’attrapais un rhume. »

     

    Yuka respira brusquement. Elle regarda la mère d’Alika et hocha la tête.

     

    « Vraiment ? Alors peut-être es-tu Balsa après tout. Karuna et moi avions développé cette recette quand on étudiait ensembles à l’académie dans la capitale. Ça a été fabriqué à partir d’une combinaison d’épices qui réchauffent le corps et c’est un excellent remède contre le rhume. »

     

    Balsa s’arrêta de boire en voyant que Yuka ne cessait de fixer sa fille qui n’avait pas remué un poil, la tête toujours penchée timidement et observait la boisson devant ses yeux.

     

    « Qu’est-ce qui ne va pas, Alika ? Il n’y a aucun danger, tu peux boire correctement voyons.

    - Est-elle gênée ?

    - Parfois ça arrive (elle caressa son dos et s’étira pour prendre le verre). Tu ne veux pas goûter ma puce ?

    - Eh..., dit longuement sa fille.

    - Tant pis, j’y goûte. »

     

    Balsa porta le verre à ses lèvres sous les yeux suiveurs de son enfant et bu une gorgée qui ranima encore des souvenirs. Sa fille tendit la main et prit le verre à sa place et l’imita.

     

    « Ça, c’est la manière qu’il faut agir pour la forcer à goûter de quoi de nouveau.

    - Maman !

    - Maman te taquine. Tu le sais bien. »

     

    Alika prit un air pincé qui fit rire les deux adultes.

     

    « Alors, est-ce que quelqu’un t’as sauvé après que tu sois tombée dans le puits et tiré loin du courant ? commença Yuka.

    - (Balsa hocha négativement la tête) Je ne suis jamais tombée dans un puits, mais avant de vous raconter mon histoire, dites-moi ce qui est arrivé à mon père.

    - D’accord, mais s’il te plait, tutoie-moi.

    - Oh, très bien.

    - Mon frère a été tué dix jours après... après que tu sois disparue, narra-t-elle avec des yeux chercheurs. La servante l’a trouvé gisant sur le sol, tué derrière la porte quand elle est arrivée pour travailler le matin. Selon les gardes du palais, c’était le travail des voleurs. La maison était en désordre comme si une tempête était passée par là. »

     

    Balsa ferma les yeux brièvement. Alika en profita pour prendre quelques douceurs cuites discrètement. Elle les rouvrit et demanda d’une voix calme :

     

    « As-tu vu son corps ?

    - Oui. Je logeais dans une auberge à la capitale parce que j’étais inquiète à propos de Karuna. Il était tellement déprimé par ta mort. Je voulais rester à sa maison, mais il refusait absolument, presque comme s’il savait qu’il allait être attaqué. Oui, j’ai vu le corps de mon frère et depuis, je me suis toujours demandé ce qui s’est réellement passé. Il avait deux blessures. L'une était en forme d’une barre oblique profonde qui courait tout le chemin de son épaule gauche vers le bas sur le ventre. Tous voleurs qui lui auraient donné une blessure comme celle-ci l'auraient laissé pour mort. Pourtant, ils ont aussi coupé sa gorge. Je sais que celui qui a fait ça n'avait pas l'intention de le voler. Ce dernier coup de poignard dans le cou était pour être absolument sûr ​​qu'il était mort. »

     

    Alika devint livide et grimaça après une bouchée de son biscuit avant de s’accoter la joue sur le haut de la poitrine de sa mère. Yuka respira profondément et Balsa prit la parole.

     

    « Jiguro a dit que si tu voyais le corps, tu aurais été capable de voir que quelque chose clochait. Et il craignait qu'il puisse mettre ta vie en danger.

    - Jiguro ? dit Yuka vivement. Tu veux dire : Jiguro Musa ? »

     

    Balsa fut surprise du ton de voix qu’employait sa tante. Elle avait dit le nom comme si c’était un insecte empoisonné.

     

    « Oui, Jiguro m’a sauvée. Il m’a élevée et m’a aidée à survivre.

    - Tu sais, avoua Yuka en la regardant choquée et confuse, je me sens toujours comme si j’étais dans le milieu d’un mauvais rêve. Ton récit est comme un labyrinthe tordu.

    - Vraiment ?

    - Oui. Jiguro Musa était un idiot, un véritable idiot qui causait des souffrances à nous tous juste pour l'entêtement tout simplement. Je le connais depuis que nous sommes enfants et je me sens tellement trahie quand je réalise quel idiot il était. Il est vrai qu’il était têtu même en étant enfant, mais jamais je n’aurai pu penser qu’il fasse quelque chose comme ça.

    - Et que penses-tu qu’il ait pu faire ? demanda Balsa alors qu’elle aspira son souffle.

    - Si je m’apprête à te le dire, je suppose que je serai mieux si je commençais par ce qui est arrivé avant. Tu vois, Jiguro et le prince Rogsam ne se sont jamais entendu ensembles. Tous les gens qui vivaient au château étaient au courant. Alors même qu’il était le plus jeune des lanciers, Jiguro affichait des compétences exceptionnelles et il était le meilleur des instructeurs d’arts martiaux du Roi. Il ne laisse jamais les princes gagner aussi facilement, mais il travaillait aussi dur que tout le monde. Le Prince Rogsam était vieux, et rusé aussi, mais Jiguro le battait fréquemment en pratique, et solidement. Tu pouvais sentir la haine entre eux, dit-elle en soupirant. Le prince Rogsam était trompeur et ignoble, mais toujours... Je ne sais pas si tu te souviens de quelque chose concernant la succession à Kanbal, mais les héritiers ne succèdent pas automatiquement au trône quand le Roi meurt. Il doit premièrement être reconnu par les neufs lanciers du Roi. Une fois qu’ils lui ont tenu allégeance, il est accepté comme l'héritier légitime. Au couronnement, tous les lanciers se rassemblent autour de lui et touchent sa tête avec les anneaux d’or de leur lance.

    - Intéressant, je ne savais pas ça.

    - Jiguro était considéré comme un grand héro. Il a été invité à assister à la Cérémonie des Remises quand il n’avait que seize ans, et tous les lanciers l’ont reconnu comme étant le meilleur guerrier parmi eux. Bien qu’il était un homme avec peu de mots et se vantait peu, il avait un grand sens de la fierté. Une fois qu’il prenait une décision, il ne changeait pas d’avis. »

     

    La nièce de Yuka hocha de la tête.

     

    « Mais l’homme qui voudrait emmener le malheur sur la tête des autres pour le sake de sa propre fierté et sa propre obstination n’était rien d’autre qu’un idiot. »

     

    Alika reprit quelques douceurs et une gorgé de son Lakoluka et continua d’écouter le récit de Yuka qui expliqua la trahison de Jiguro, le fait qu’il ait volé les anneaux d’or de chaque lance, une fierté pour chaque meilleur lancier des neuf clans et qui était un symbole qui reliait la famille royale aux neuf clans. Et pour prouver leur loyauté à la famille royale, chaque clan avait envoyé leur meilleur lancier contre Jiguro en priant le dieu Yoram de ne pas lui parler lorsqu’ils iraient le tuer. Balsa comprit que les lanciers ne les avaient pas traqués durant quinze années parce que leur famille avait été prise en otage, mais bien pour prouver leur loyauté envers le Roi Rogsam !

     

    « Tu étais trop jeune à l’époque pour le savoir, mais Karuna, Jiguro et moi étions de très bons amis dans les premiers temps où nous nous sommes rencontrés à la capitale.

    - Vraiment ? sourit Balsa.

    - Oui. »

     

    La lancière raconta ensuite toute son histoire de son côté, jusqu’à ce Yuka comprenne peu à peu.

     

    « Je me suis toujours demandée à propos de la mort de mon frère, mais ton histoire vient de me rappeler plusieurs choses qui m’ont incommodés. Quand le Roi Naguru est décédé, Karuna est devenu très étrange. Il avait hâte d’enterrer le corps, espérant qu’aucun autre docteur ne verra son corps et voulant éviter une décadence. Il faisait plutôt chaud ce jour-là, alors d’autres personnes ont acceptés ça tout simplement. Mais je le savais, pour moi, ça semblait hors de lui. Je me suis aussi demandée pourquoi Jiguro avait disparu soudainement avant que le Roi ne soit plus, comme s’il savait qu’il allait mourir et être remplacé par Rogsam. Et je ne pouvais pas comprendre pourquoi, même s’il planifiait une révolte, il avait fui le pays sans me dire la vérité à moi ou mon frère... ça semblait hors de lui également. Le jour après qu’il soit disparu, mon frère m’a dit que tu t’étais noyée. Plusieurs choses étranges sont arrivés – c’est comme si le ciel et la terre avait échangé de place ! J’allais justement demander à Karuna sur quelle terre on allait quand il a été tué. »

     

    Yuka regarda la lance de Balsa. Elle lui dit que Jiguro avait forgé cette lance pour elle quand elle avait seulement dix ans. Quelle cruelle vie sa nièce avait dû suivre contre son gré.

     

    « Ah ! Jiguro. Comment as-tu bien pu élever et protéger Balsa ? J’ai du mal à le croire. Pensant qu’un homme aussi têtu et obstiné que toi aurait pu élever une petite fille...

    - Tu as raison. Il n’y avait aucun homme aussi inadapté à élever une fille comme Jiguro. Pas étonnant que je ne sais pas comment être féminine, rit-elle.

    - C’est inutile de mettre tout le blâme sur Jiguro. Tu es née tomboy qui aurait pu mettre la honte à tous les garçons de ton âge à cette époque. Karuna utilisait souvent ça en disant que tu avais oublié quelque chose de très important dans l’utérus de ta mère.

    - Ce quelque chose que j’ai oublié ; je crois que j’ai plutôt offert tout mon côté féminin à ma fille qui est un bon mélange de Tomboy et de féminité, sortit Balsa en caressant les cheveux d’Alika.

    - C’est vrai, Maman ?

    - Je le crois. Tu es beaucoup plus féminine que moi, mais tu as mon tempérament de tomboy.

    - Alors, fit finalement Yuka, que comptes-tu faire maintenant ? As-tu l’intention de nettoyer le nom de Jiguro ?

    - Que pourrais-je faire ? sourit-elle tristement. Même si je voudrais prendre ma vengeance, Rogsam est mort, et franchement, je ne vois pas beaucoup d'intérêt de saupoudrer ce complot maintenant. Je suis revenue pour guérir une vieille blessure que j'avais eu trop peur d'affronter... (le crépuscule créait une ombre profonde sur le visage de Balsa alors que celui de sa fille était illuminé par le soleil couchant) et parce qu’Alika avait tellement envie de découvrir Kanbal. Tu aurais dû la voir quelques années plus tôt, elle n’arrêtait pas de me demander à quoi ressemblait Kanbal, son mode de vie, ce qu’on mangeait ici et les coutumes...

    - Tu lui parlais Kanbalese ?

    - Oui, je lui ai appris... bon c’est sûr qu’il fallait que je retrace un peu mon passé pour me souvenir de quelques mots, mais j’ai eu l’opportunité de parler Kanbalese quelques fois.

    - Je peux te poser une question ?

    - Oui bien sûr ?

    - Quel âge à ta fille ?

    - Sept ans.

    - Sept ans et une lance ? s’étonna-t-elle.

    - Oui. Certain ont le talent et elle l’a. D’ailleurs, je dois te raconter ma dernière aventure.

    - Chagum-Niisan ? s’égaya Alika.

    - C’est ça. »

     

    Balsa lui expliqua qu’elle avait été priée d’être le garde-du-corps d’un jeune prince, Chagum, du Nouvel Empire de Yogo qui portait l’œuf d’un Esprit sacré et que le père voulait tuer pour conserver la prospérité de la famille royale. Et la chose la plus drôle dans tout ça : Balsa était vraiment contente de l’avoir protégé même si c’était extrêmement dangereux et effrayant. Elle avait enfin réalisé qu’il n’y avait pas de mauvais chemin pour vivre.

     

    « Jusqu’alors, je n’avais pas vraiment pris en charge comment je vivais ma vie... jusqu’à la naissance de ma fille bien sûre.

    - Tu avais alors...

    - Vingt-trois ans.

    - Une fois que tu as un enfant, c’est fou, mais ça te remet tellement vite à ta place. Tu te rends compte à quel point être parent c’est difficile, mais... comment dire, merveilleux ? De te rendre compte qu’un autre être, autre que toi, dépend entièrement de toi. Tu prends en compte ce qu’est vraiment l’altruisme. Tu dois réfléchir à son avenir et c’est surtout le fait de gérer le côté permissif à la fois conciliant, si tu vois ce que je veux dire ?

    - Oui. »

     

    La pièce était maintenant sombre qu’elle pouvait à peine distinguer le visage de sa tante. Un petit bruit attira leurs attentions et elles remarquèrent qu’Alika s’était endormie à force de fixer Yuka qui racontait toutes les histoires. La tante se redressa et brassa les braises. Balsa se leva lentement à son tour et ferma la fenêtre. L'espace s'éclaircit lorsque Yuka fit le tour en allumant les bougies. Elle se retourna pour regarder sa nièce.

     

    « Maintenant, je comprends pourquoi tu es revenue. Je me sens comme si j’avais vécue vingt-cinq années en une seule journée. »

     

    Elles se sourirent.

     

    « Nous n'avons plus grands choses à se dire, mais pour ma part, je suis affamée. Peux-tu me donner un coup de main ? Nous allons faire à souper. »

     

    Alors que Balsa s’approchait un peu plus, Yuka se stoppa net.

     

    « Qu’est-ce qu’il y a ?

    - Tu es enceinte ? s’émerveilla-t-elle.

    - Oh ! oui.

    - Combien de mois ? réagit-elle, soudainement sur un ton avertisseur.

    - Eh... six mois.

    - Et tu as traversé toutes les montagnes du nord du Nouvel Empire de Yogo dans cet état-là ?

    - Oui, je ne vois pas où est le problème...

    - C’est pas très bon pour ta santé, tu sais.

    - Je me demande pourquoi vous vous en faites tous pour moi, même Alika s’en inquiète. Pourtant, je te jure que je vais bien. Et je n’ai pas mal nulle part.

    - Même au bas du dos ?

    - Je suis musclée. Il n’y a que mon ventre qui se relâche, mais le reste, je te jure que je l’entretiens. »

     

    Sa tante soupira, toujours pas confiante, mais elle décida de placer sa confiance en sa nièce. Yuka n'avait pas de domestiques autres qu’un jardinier et qu’un soigneur assistant. Ensemble, elles firent un pot de laroo, avec de la viande et des gashas cuits dans le lait et assaisonné avec des herbes parfumées. Le ragoût bien chaud était délicieux, surtout depuis que le froid amer du soir était tombé. Elles mirent la table et déposa les plats. Elles observèrent Alika qui semblait bien assoupie.

     

    « Devrait-on la réveiller ? demanda Yuka.

    - Ça fonctionne toujours avec de la nourriture, regarde bien. »

     

    Elle prit son bol et souffla sur la fumée pour qu’elle se dirige vers le visage de sa fille. Elle remua dans son sommeil puis ouvrit lentement les yeux, puis plus grand quand elle vit le bol devant elle.

     

    « On mange ! s’exclama-t-elle en faisant sursauter Yuka en se levant d’un bond et en venant les rejoindre. J’avais faim !

    - Mais... tu n’as mangé que des douceurs cuites et tu as encore faim ? s’étonna la médecin.

    - Alika est un estomac sur patte, l’aida Balsa, impossible de satisfaire sa faim. (elle sourit à sa fille qui avait déjà commencé à manger sans même oser demander ce que contenait le plat) Surtout s’il y a de la viande dans le plat.

    - Elle va trouver l’hiver dur.

    - Comment ça ?

    - En automne et en hiver, lorsque les nuits deviennent plus longues, nous ne mangeons que deux repas par jours. Un déjeuner très tard et un souper très tôt. La majorité des gens de Kanbal font cela pour économiser l’huile de leur lampe.

    - Et tu fais ça, Tante Yuka ?

    - Non. Je soigne plusieurs patients et puisque je suis médecin, j’ai un salaire bien aisé. Alors je ne mange que lorsque j’ai faim ou en ressens le besoin.

    - Maman m’a toujours appris à ne pas gaspiller la nourriture, sortit Alika en mettant une cuillérée de son plat dans sa bouche. Je n’arrêtais pas de penser aux gens de Kanbal... alors je tente de ne pas rien gaspiller.

    - Mais tu n’es pas une poubelle non plus, lui rappela Yuka en souriant.

    - Hum... »

     

    Elles parlèrent encore, résumant leur conversation jusqu’à ce qu’il y ait confusion entre les deux femmes. Yuka disait que Jiguro avait été tué par Yuguro – le plus petit frère de Jiguro – alors que Balsa disait qu’il était mort d’une maladie et qu’elle l’avait vu rendre son dernier souffle et qu’elle était à ses côtés lorsque c’était arrivé en compagnie de Tanda et Torogai. L’atmosphère de la pièce qui était chaleureuse devint alors froide et lourde.

     

    « Se pourrait-il que l’intrigue ait été beaucoup plus loin qu’on le pense ? murmura la tante. »

     

    Alika continua de manger et grimaça dût à l’atmosphère de la pièce. Elle décida donc de changer le cours de la conversation en attirant l’attention sur elle.

     

    « Hum..., coupa-t-elle alors que les deux femmes la regardaient. Je suis un peu mêlée avec toutes ces histoires... Vous êtes la tante de Maman ?

    - Oui, du moins, j’espère.

    - Ne vous en faites pas, Maman dit toujours la vérité ! Je trouve que vous vous ressemblez beaucoup !

    - Vraiment ?

    - Oui !

    - Maintenant que tu le dis... c’est bien vrai. Ah oui, Balsa, je me souviens que je voulais te poser une question concernant ta fille.

    - Vas-y toujours, l’invita sa nièce.

    - Cette petite doit sûrement avoir un Papa à quelque part ? (un sourire amusé fleurit sur les lèvres de sa tante) Êtes-vous mariés ? »

     

    Pour commencer ses réponses, Balsa montra le revers de sa main gauche. Aucun anneau n’y reposait.

     

    « J’espère que ça ne changera pas ta vision d’Alika ni de moi que je ne sois pas mariée et que j’aille une enfant et sois, en plus, enceinte, si ?

    - Non, je me demandais.

    - On a déjà eu une conversation concernant cela ma fille et moi. Elle s’était faite traitée de "bâtarde" il y a un an, mais je ne suis pas noble et son père, mon ami d’enfance, Tanda, un Yakue métisse, n’est pas noble non plus. Il est de bonne famille, il est aussi médecin et apothicaire. Il habite dans le Nouvel Empire de Yogo, dans un petit refuge aisé. Alors je lui ai dit qu’elle était plutôt une enfant libre.

    - Est-ce qu’elle porte ton nom de famille dans ce cas ?

    - Oui. Yonsa.

    - Je vois. Ça va bien avec son prénom. Et elle maîtrise la lance également ?

    - Je peux te faire une démonstration ! s’égaya l’enfant. Je suis très bonne !

    - Ma chérie, je crois que ce n’est pas le moment. Tu risques de faire un dégât et deuxièmement, il serait mieux pour toi de faire profil bas de ta lance le temps que... les problèmes s’arrangent, l'arrêta Balsa.

    - Les problèmes ?

    - Longue histoire, mais peux-tu faire ça pour Maman ? S’il te plait... et pour ton petit frère ou ta petite sœur.

    - D’accord, soupira-t-elle en replongeant sa cuillère dans son bol. Juste pour lui ou elle... et pour Maman.

    - C’est gentil. »

     

    Il commença à devenir tard dans la nuit, mais Yuka et Balsa étaient trop agités pour pouvoir dormir. Mais pas Alika qui se mettait à cogner des clous sur le divan et qui s’endormait plusieurs fois en plein milieu d’une conversation et se réveillait un peu, trop coupable de s’endormir.

     

    « Il s’est écoulé plusieurs heures depuis que la corne de minuit a soufflé. Nous devrions aller au lit bientôt, conclut Yuka. Ta fille semble fatiguée.

    - C’est vrai.

    - Nous avons déjà préparé votre lit dans la chambre d’invité.

    - Je vais prendre des précautions prochainement, mais jusqu’à là, tu devrais dire au jardinier qui m’a vu de garder le silence, je ne voudrais pas te mettre dans le trouble.

    - Qu’est-ce que tu es en train de dire là ?

    - Oh rien, je veux juste prendre quelques précautions.

    - Tu es enceinte de six mois, ça m’étonnerait que quelqu’un veuille faire du mal à une femme enceinte, non ?

    - Aussi... m’enfin, je crois qu’on va aller coucher cette enfant. »

     

    Balsa prit Alika, endormie, dans ses bras et Yuka les guida jusqu’à la chambre d’invité où toutes leurs affaires avaient été déposées et leur souhaita bonne nuit. La lancière mis la lance de sa fille sous le lit et l’habilla pour la nuit sans même qu’elle ne se réveille. Elle se changea à son tour et se coucha à son tour en collant Alika contre elle.

     

    * * *

     

    C’était le bout que je désirais tellement écrire dans cette fanfic !

    La rencontre avec Tante Yuka et Balsa. Plus que la moitié de ce chapitre provienne du livre en anglais que j’ai pris le temps de traduire en français. Alors remerciez-moi pour la traduction qui a sûrement dû vous aider à comprendre aussi quelques intrigues concernant Kanbal et Jiguro qui n’étaient pas expliqués ni dans l’anime ni dans le premier livre... 

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