• Chapitre 4 : Les ennuis commencent

    Balsa prit une semaine pour tenter de se rétablir comme il faut de son accouchement prématuré et avait même demandé à Yuka de lui offrir une chambre réservé au patient en disant qu’elle était la fille d’une connaissance qui souffrait d’une migraine chronique. Au huitième jour après l’incident, Alika se leva en avant-midi après que sa mère soit levée. Elle conserva son pyjama – une petite robe blanche courte à manche longue – et alla retrouver Balsa, les cheveux toujours entremêlés de sa nuit.

     

    « Où est Tante Yuka ? demanda-t-elle.

    - Elle est occupée dans le salon.

    - Et tu fais quoi ?

    - Je prenais quelques aliments... »

     

    C’est alors qu’elles entendirent des bruits de sabots dans le vent. Elle s'arrêta comme elle apportait le fromage de chèvre de la cave de stockage de sa tante. Cela ressemblait à un groupe d’une dizaine d'hommes s’approchant à cheval. Elle regarda par la fenêtre et vit une dizaine de cavaliers au galop vers le bas du village. Sept portaient l'insigne du clan Yonsa – l'oreille gauche du dieu du tonnerre – sur le côté gauche de la poitrine. Deux autres portaient l'insigne du clan Musa – l'oreille droite du dieu – sur le côté droit. Et avec eux, un homme qui était clairement un commerçant, pas un guerrier. Bien sûr, pensa Balsa, le marchand de vêtements de Sula Lassal.

     

    « Balsa ! Dépêche-toi ! Les gardes sont ici ! La porte derrière ! les alerta Yuka en courant.

    - C’est impossible de s’enfuir d’eux maintenant. Nous sommes au fond de la vallée. Ils vont me voir toute de suite et d’ailleurs, je ne sais pas quelle histoire ils ont pu créer à mon sujet, mais qu’importe si je m’enfuis comme ça, ça va paraitre suspect comme si j’aurai fait quelque chose de mauvais. »

     

    Yuka fronça les sourcils durement.

     

    « Mais si tu te fais prendre... qui sait ce qu'ils pourraient te faire ?

    - Le fait qu’ils soient venus signifie que Yuguro pense savoir qui je suis et que je suis sur son chemin. Tante Yuka, je veux savoir ce qu'il a l'intention de faire. Je veux savoir ce qu'il y a derrière tout cela. Je vais voir où cela me conduira. Si je ne parviens pas à trouver une issue à la fin, je vais l'accepter, conclut-elle en posant ses mains sur les épaules de sa tante. Ces deux semaines étaient comme un rêve auquel j’aurai aimé ne jamais sortir... avec un cauchemar douloureux mais qu’importe... merci. À partir d’ici, nous devons redevenir des étrangers.

    - Qu'est-ce que tu racontes? Si tu penses que je vais rester là et voir ma seule nièce—

    - Par moi-même, je peux gérer cela. S'il te plaît, ne me rends pas inquiète à ton sujet aussi. Ce sera mieux pour moi si nous sommes des étrangers. S'il te plaît, comprends cela. De plus (elle prit Alika dans ses bras et la plaça dans ceux de sa tante) prends soin d’Alika, je ne veux pas qu’elle soit impliquée dedans. Elle est innocente et n’a aucun rapport dans ces problèmes, et même si les gardes te questionne sur la petite fille, trouve une excuse pour la défendre, fais ça pour moi. Je ne veux pas qu’il lui arrive de quoi, j’ai déjà perdu un enfant, je ne veux pas en perdre un autre.

    - Oui, je ferai tout pour la protéger.

    - Et toi Alika, pas un seul mot lorsque les gardes seront ici. Tu habiteras avec Yuka le temps de mon absence. Motus et bouche cousue. »

     

    Sa mère posa son index sur ses lèvres puis l’appose sur ceux de sa fille. Alika hocha la tête et s’accota confortablement sur l’épaule de sa grande Tante et ferma les yeux, alors que sa mère allait dans la chambre pour les patients qui lui avait été réservée par Yuka. « Fait semblant de dormir et cache ton visage dans mon cou » lui conseilla Yuka « Ne le montre pas aux gardes sauf si je te le dis. ». Alika hocha la tête. Dehors, les gardes descendirent de leurs chevaux. Lance en main, ils se séparèrent en deux groupes pour bloquer les entrées d’en avant et de derrière. Quatre hommes passèrent par la porte principale : un imposant, barbu garde du Clan Yonsa, le grand marchand bronzé, et les deux guerriers Musa ; l’un était très grand et imposant et l’autre, un jeune homme portant le foulard vert à la tête de la lignée des chefs. Yuka ouvrit la porte, le visage sévère et strict.

     

    « Capitaine Soosa, qu'est-ce vous voulez signifier en faisant un tel vacarme ?

    - Maîtresse Yuka, commença le guerrier barbu en plaçant un poing sur sa poitrine et s’inclinant respectueusement. Excusez-nous pour le dérangement. Voici le capitaine Dom, chef des guerriers du clan Musa et le maître Kahm, fils aîné du chef Kaguro. Ils poursuivent un criminel qui s’est enfuit vers le territoire Yonsa et qui semble avoir pris refuge dans votre maison de guérison.

    - Criminel ? dit-elle en les regardant brusquement. Et quel crime au juste cette personne est-elle accusée ?

    - Ils sont après une femme qui est entrée dans la cave sur le territoire Musa pour voler des lyokuhaku. Elle se cache ici.

    - C’est ridicule ! Il n'y a pas de telles femmes ici !  »

     

    L'immense guerrier nommé Dom fit un pas en avant et la regarda.

     

    « Elle vous a sans doute trompé. Nous allons jeter un coup d'œil autour. Si elle n'est pas là, alors, il n'y a pas de mal. Mais si elle l’est, elle pourrait être dangereuse et nuire aux autres patients si elle n'est pas manipulée convenablement. Alors s'il vous plaît, restez calme et coopérez.

    - Maîtresse Yuka, s'il vous plaît, dit le capitaine, pour l'honneur de notre clan, nous devons coopérer avec les Musa. »

     

    Yuka regarda les trois hommes bien en face. Le jeune homme, Kahm, regardait tendus, mais Dom et Soosa ne présentaient aucun signe en retour à son regard. Les yeux du commerçant se précipitèrent d’elle aux autres hommes.

     

    « Je comprends. Vous pouvez faire ce que vous souhaitez, mais s'il vous plaît, faites vite. Certains de mes patients sont très malades. »

     

    Ils bougèrent rapidement et firent leur recherche soigneusement dans l'immeuble, mais il semblait à Yuka que c’était une éternité, avant leur arrivée à la chambre de Balsa. Elle ne pouvait rien faire. Elle devait laisser ça aux mains de sa nièce.

     

    « Qu'en est-il de cette pièce ?

    - La fille d'un vieil ami reste ici. Elle souffre de terribles maux de tête et sa mère lui a dit de venir à moi, répondit-elle, toujours Alika dans les bras. »

     

    Elle se demandait si Balsa aurait bondi, lance à la main pour attaquer les hommes, mais quand la porte en bois s’ouvrit, la chambre était calme. Balsa s’assit lentement sur le lit, comme si elle venait d'être réveillée. L'expression sur son visage ne donnait aucune indication ou quoique ce soit qu’elle s’attendait à être capturée. Yuka était étonnée par son calme olympien.

     

    « Qu’est-ce ? demanda-t-elle avec une expression perplexe. »

     

    Les guerriers entrèrent dans la pièce, bloquèrent les fenêtres et la porte et alors, ses yeux virent le marchand. Il se figea.

     

    « C’es-c’est elle. C’est celle-ci. Mais elle avait une enfant avec elle.

    - C’est vrai ? demanda Dom.

    - Oui.

    - Ce pourrait-il alors... »

     

    Il regarda Yuka qui berçait inconsciemment Alika jusqu’à ce qu’elle remarque que le chef la regardait avec curiosité. Immédiatement, elle se mit sur ses gardes et resserra son étreinte contre l’enfant.

     

    « Ne commencez pas à soupçonner tous mes patients qui résident ici ! soupira-t-elle.

    - Pouvons-nous juste voir l’enfant ?

    - Elle vient juste d’arriver à s’endormir après une dure nuit d’insomnie due à sa maladie.

    - Qui sont ses parents ?

    - Des amis qui habitent proches d’ici. Ils sont venus quand elle s’est réveillée au beau milieu de la nuit avec une respiration bruyante et une toux semblable à un aboiement... La femme qui couche dans la chambre où vous êtes n’a pas d’enfants, elle est venue ici toute seule, je peux vous le garantir. Allez-vous me demandez tous les parents des patients-ci présents ? commença-t-elle sur un ton légèrement agacé.

    - Excusez-nous, ce doit être la mauvaise personne. »

     

    Balsa soupira intérieurement de soulagement, trouvant plutôt comique le jeu de comédie qu’avait offert Yuka. Le marchand allait protester mais avant même qu’il ouvre la bouche, ils brandirent leurs poignards vers Balsa.

     

    « Femme ! Vous avez commis un terrible crime ! gronda Dom. Nous savons par un fait que vous êtes entrées dans les grottes du territoire Musa illégalement pour voler les pierres précieuses. Venez vite !

    - Qu’est-ce que vous dites ? Je ne suis pas sûre de comprendre... fit-elle en continuant de les regarder avec confusion. C’est vrai que je connais ce monsieur. Il est le marchant de vêtements de Sula Lassal, vrai ? Mais qu’est-ce qui me prouve en tant que criminelle ?

    - Bel essai, femme, ricana Dom d’un rire jaune. Mais nous avons deux enfants qui ont témoigné qu’ils vous avait vu dans les profondeurs de la caverne.

    - Oui je suis entrée dans la cave, dit-elle d’une voix haute, mais je ne regardais pas pour les pierres précieuses. J’avais de bonnes raisons de venir du Nouvel Empire de Yogo sur le territoire Musa. Tout ce que j’ai fait, c’était de passer à travers le tunnel. »

     

    Comme il écouta sa réponse calmement, Soosa fronça des sourcils perplexes et jeta un regard sur les deux guerriers Musa. Dom et Kahm l’ignorèrent et continuèrent de regarder Balsa. Elle se leva lentement, laissant ses mains bien à la vue. Puis elle jeta un regard aigu à Dom et Kahm.

     

    « Je vois, dit-elle hardiment. Je vois quel est le genre d'homme qui vous a envoyé. Plutôt que de suggérer que nous en parlons un peu, il joue un tour comme ça... mais je ne pense pas que vous voulez que je vous explique pourquoi je suis venue chez une personne appartenant du clan Yonsa. Permettez- moi de parler à votre chef à la place. »

     

    Don et Kahm se débusquèrent.

     

    « Si vous êtes prêtes à venir en paix et à être jugée devant le chef, alors venez, ordonna Kahm tranquillement. Si vous voulez dire quelque chose, alors, vous pouvez le dire à votre procès. Mais attention : mon père est un homme sévère. Il ne sera pas facilement dupé par vos excuses. »

     

    Balsa les laissa lier ses mains derrière son dos et ils l’emmenèrent hors de la pièce. Dom saisit la corde et l'emmena alors que Kahm récupéra sa lance et son sac de sous le lit. Le capitaine de la garde Yonsa avait un air mécontent, mais il semblait également soulagé que Balsa ait été prise sans déclencher de combat. Les patients bordaient les deux côtés de l'entrée, en ligne, à regarder avec des visages effrayés Balsa comme elle passait devant eux. Elle s'inclina légèrement à Yuka, qui l'attendait à la porte, sa fille toujours dans les bras.

     

    « Maîtresse Yuka, je suis désolée de vous avoir causé des ennuis. Ces hommes se trompent. Je reviendrai quand j’aurai éclairci mon nom et je paierai alors pour mon traitement. »

     

    Yuka la regarda dans les yeux, se demandant quels mots d'encouragement elle pourrait bien offrir, pour avoir été surprise par ce qu'elle avait vu là-bas. Bien que ses mains étaient attachées et étaient maintenue en captivité, ses yeux, eux, étaient remplis d’une lumière vive, comme un combattant prêt à entrer sur le ring.

     

    * * *

     

    Les gardes partirent et les patients retournèrent à leur chambre en souriant à Alika. Celle-ci redressa la tête et gratifia Yuka d’un regard triomphant.

     

    « Suis-je bonne comédienne ? sourit-elle.

    - Une très bonne comédienne, la félicita sa grande tante en la déposant sur le sol.

    - Je suis surprise que vous ayez pu... dire de telles phrases.

    - J’ai promis à ta mère que je prendrai soin de toi jusqu’à son retour.

    - Elle sera de retour, la rassura Alika, je peux te l’assurer. Je l’ai souvent vu partir comme ça et je sais qu’un jour, je ne sais pas quand, elle va revenir. C’est moi qui la maintiens en vie. Je suis son but et sa détermination, c’est ce qu’elle m’a dit.

    - Je vais te croire dans ce cas.

    - Mais ça m’effraie quand même un peu... je suis dans un pays inconnu depuis seulement deux semaines et ma Maman se fait arrêter. Vous êtes donc la seule personne à qui je peux me fier...

    - Ne t’en fait pas, je prendrai soin de toi.

    - Vous n’allez pas m’abandonner ?

    - Jamais. Allez, va t’habiller. »

     

    Elle partit s’habiller et revint changée.

     

    « Je vais faire quoi aujourd’hui ?

    - Est-ce que tu vas à l’école où tu habites généralement ?

    - Non... du moins, j’ai école à la maison.

    - Est-ce que ça te tenterait d’essayer à l’école pour de vrai, avec des enseignants et des élèves qui pourraient devenir des amis ? »

     

    Alika haussa les épaules alors qu’elle se pinçait les lèvres.

     

    « Je risque de partir au printemps prochain avec Maman... donc si je ne reviens pas après, je ne vois pas à quoi ça va me servir... et je parle sûrement encore mal le Kanbalese.

    - Non, tu le parles très bien.

    - C’est vrai ? s’étonna-t-elle.

    - Oui. Ton petit accent te donne un certain charme. Qu’en dis-tu ? On essaie l’école ?

    - ... D’accord, pour vous.

    - Tu peux me tutoyer ma belle. Ça ne me dérange pas.

    - Tu préfères comme ça ?

    - Oui. »

     

    Yuka passa le restant de la journée avec sa petite-nièce, la connaissant de plus en plus et de mieux en mieux. Alika était de nature joyeuse, optimiste et remplit de vie. Elle était obéissante, respectueuse et faisait toujours tout ce qu’on lui demandait et elle connaissait des remèdes grâce à son père. Elle avait la même énergie que Balsa en étant enfant.

     

    * * *

     

    Deux jours plus tard, au petit matin, Yuka réveilla sa petite-nièce – qui dormait désormais avec elle – pour son premier jour à sa nouvelle école – temporairement.

     

    « Tante Yuka ?

    - Oui ?

    - J’ai mal au ventre...

    - C’est la nervosité, ça passera avec un bon petit déjeuner.

    - Qu’est-ce que je vais dire s’il me questionne sur mes parents ?

    - Tu leurs diras que tu habites chez Maîtresse Yuka parce que ton Papa remplit un devoir très important à Kanbal, qu’il vient du Nouvel Empire de Yogo et a des racines Kanbalese – ce qui expliquerait ton nom de famille – et que ta Maman réside chez nous pour cause de grossesse à problème jusqu’à la naissance d’un petit frère ou d’une petite sœur, et qu’elle est incapable de prendre soin de toi, devant restée allongée pour ne pas le perdre et que je suis ta tutrice.

    - Wow... tu es rapide !

    - Tout se passera bien. »

     

    Alika se leva et s’habilla. Elle mangea un petit déjeuner léger – des crêpes avec du lait de chèvre – et prit le petit sac que sa grande Tante lui tendait. Pour les premières journées, Yuka accompagnerait sa petite nièce pour la conduire à l’école. Elle expliqua toute l’histoire de sa famille nouvellement inventée à la maîtresse d’école qui se montra compréhensible et celle-ci emmena Alika à l’intérieur de la classe. Une boule d’angoisse se forma dans le creux de son estomac.

     

    « Ne t’en fait pas, Alika, les élèves sont respectueux et s’il y a un problème, viens m’en parler. »

     

    Elle était arrivée en avance pour explorer la petite école dans la pierre et bientôt tous les autres élèves entrèrent. La maîtresse présenta la nouvelle élève en expliquant la même histoire que Yuka lui avait dit.

     

    « Soyez gentils avec elle, elle est nouvelle et je crois que vous n’aimeriez pas être traités méchamment lorsque vous êtes nouveaux à une place inconnue. Alika, tu seras placée aux côtés d’Amaya et d’Akiro.

    - D’accord, dit-elle timidement alors que la vingtaine paire d’yeux l’observait, intriguée et fascinée. »

     

    Amaya avait les cheveux bruns et les yeux bruns également. Akiro avait les cheveux bruns également mais des yeux bleus comme l’eau.

     

    « Bonjour, la salua Amaya.

    - Bonjour.

    - Je peux te surnommer Alichoue’ ?

    - Déjà un surnom ? se surprit Alika.

    - Oui, tout le monde en a un de ma part ici. Akiro, son surnom c’est Akki.

    - Moi c’est Akiro, je te surnommerai Ali’ uniquement, sourit-il. »

     

    À la récréation, tous les élèves entourèrent Alika pour la questionner de part en part : pourquoi elle était venue, qu’est-ce que ses parents faisaient dans la vie, si elle avait des frères et sœurs, pourquoi Yuka Yonsa était sa tutrice etc... et à chaque question, elle trouvait une réponse concrète et réaliste. Elle avait même dit qu’elle avait un grand frère, Chagum-Niisan, et avait triché sur son âge en disant qu’il avait dix-huit ans et travaillait à Yogo. Alika était appréciée de tous et personne n’osait la mettre mal à l’aise sauf une personne : Shozen. Il était généralement le garçon qui avait le respect de tous et dont tout le monde écoutait sans cesse ses anecdotes et depuis l’arrivée de la petite élève, il se sentait détrôné de l’attention qu’il avait avant. Il ne la laisserait sans doute pas faire plus de ravage à sa réputation ! Il avait les cheveux blonds cendrés et des yeux bruns-ambrés. Yuka vint chercher sa petite-nièce et elle lui présenta Amaya et Akiro, ses nouveaux amis.

     

    « Hé bien, ce n’était pas si pire que cela, si ?

    - Je suis contente ! Je vais avoir pleins de choses à raconter à Maman ! s’enjoua Alika.

    - Alors tu aimes l'école ?

    - Oui, quand même. J'ai hâte à demain !

    - Déjà ?

    - Oui. »

     

    Le lendemain matin semblait être une éternité pour la patience d'Alika. Yuka avait fait la crémation du petit frère de la fillette et avait déposé ses cendres dans une urne funéraire en terre cuite. Elle expliqua tout ce qu’elle avait fait du corps de son petit frère à Alika et comme quoi, il allait veiller sur sa famille. Yuka lui proposa d'embellir le pot avec de la peinture, ce que l’enfant accepta volontiers et continua de peinturer jusqu'à l'heure du coucher.

    Le jour suivant, Yuka alla porter sa petite nièce à l'école, contente de voir qu'elle s'intégrait bien à son nouvel environnement. Lorsqu’ils firent des tests d'endurances en éducation physique, à la chaise, Alika était la seule fille encore debout et qui faisait concurrence à Shozen qui ne semblait pas ravi de cette rivalité. Alors dès que l’heure de la récréation sonna, il voulut montrer qui était le plus populaire de la classe. Il poussa Alika qui parlait avec Amaya et lui commanda de s'agenouiller devant lui, ce que la petite ne fit pas du tout, bien entendu.

     

    « Je ne viens pas d'ici, je n'ai aucune obligation à ton égard, répondit-elle à la surprise de tous les jeunes élèves.

    - Comment oses-tu ?!

    - Oui, j'ose. T'es pas mon père ni ma mère !

    - Tu verras, je serai l'un des lanciers du Roi quand je serai plus vieux ! Et tu le regretteras de m’avoir manqué de respect.

    - Ah ouais ? Montre-moi donc ton talent et je jugerai si tu en vaux la peine.

    - Pfff ! Écoutez-la se venter. Alors si t'es si bonne que cela, je te défie dans deux  jours. Un petit combat, quoique les femmes ne sont pas autorisés à porter des lances et à pratiquer les arts martiaux, je crois que tu vas te faire battre d’aplomb !

    - Parfait ! Challenge accepté !

    - Alika, tu sais pas dans quoi tu t’embarques, gémit Amaya en prenant son bras.

    - Non, je sais ce que je fais. »

     

    Elle fit un clin d’œil rassurant à ses amis et pendant un moment, ils furent rassurés. Le soir, de retour chez sa grande Tante, elle fit part de sa confrontation avec Shozen et du challenge qui aura lieu dans deux jours.

     

    « Fait attention à ne pas trop faire de vacarme. Les rumeurs courent vites ici.

    - Mais je peux faire le challenge ?

    - Bien sûr, mais juste après la classe.

    - Tu veux venir me voir ?

    - On verra. J'ai des patients a traité quotidiennement.

    - Tu n'es pas obligée, tu sais. Je connais le chemin maintenant. »

     

    Yuka sourit.

    Le premier jour, Akiro se demanda réellement si Alika allait être capable de battre Shozen.

     

    « J’ai un secret que je ne peux pas dévoiler, avoua-t-elle. Mais une chose est sûre : dû à un entrainement spécial, je sais que je vais être capable de le battre.

    - Vraiment ?

    - Oh oui. (elle s’approcha et chuchota à son oreille : ) Je m’entraîne depuis que j’ai trois ans aux arts martiaux... et... bin, je fais du depuis mes quatre ans je crois. Ne me sous-estime  pas parce que je suis une fille.

    - Promis, je ne dirais rien !

    - Promis ?

    - Promis !

    - Juré ?

    - Juré sur la tête du dieu Yoram ! »

     

    Alika se retourna, satisfaite, et se posa son regard vers la petite Amaya qui, d’un coup, baissa la tête timidement et s’approcha d’elle en prenant sa main.

     

    « Je ne veux pas que tu aies des problèmes, Alichoue’.

    - Ne t’en fait pas, je vais seulement lui mettre la honte aux joues, ricana-t-elle.

    - Si tu le dis. »

     

    La fillette conserva la main de son amie dans la sienne et l’attira dehors alors qu’Akiro s’était fait retenir par d’autres compagnons. Amaya lui expliqua comment Shozen pouvait se montrer cruel si les nouveaux élèves prenaient sa place de populaire et qu’il était le meilleur de la classe pour tenir une lance en bois – voire même un bâton. Alika la regarda droit dans les yeux, la même expression que sa mère dans le regard : ses yeux étaient remplis d’une lumière vive, comme un combattant prêt à entrer sur le ring. À ce moment, la fille de Balsa ressentit quelque chose en plantant son regard dans celui de son amie. Incapable de déceler ce sentiment, elle offrit un câlin de réconfort à son amie – qui s’était mise à trembler – et elles retournèrent en classe.

    Le second jour, Amaya se jeta dans ses bras en la voyant et prit de nouveau sa main. Une chaleur indescriptible prit place en l’être de la jeune lancière, qui était ravie de pouvoir tenir sa main. C’était le jour du challenge et tous les élèves voulaient assister à la défaite de, soit : Shozen, soit, celle d’Alika. Un peu de temps avant le challenge, Amaya attira son amie dans une petite forêt et lui expliqua sa crainte et sa peur.

     

    « Il ne faut pas que tu aies peur pour moi, tenta de la rassurer Alika. J’ai vraiment confiance en mes capacités.

    - Shozen est rusé.

    - Je le suis encore plus.

    - Mais il dit que le sang de guerrier passe de père en fils.

    - Ça ne veut rien dire. Il dit ça pour se donner de la prestance.

    - Tu es sûre ?

    - Oh oui. Tu verras, si tu me fais confiance, je vais te montrer de quoi je serai capable. Je le ferai pour toi !

    - Ah oui ?

    - Oui ! Tu es ma détermination et mon but, répéta-t-elle. »

     

    Tout d’un coup, comme ça, sans prévenir, Alika plaqua ses lèvres contre celle de son amie et la regarda, un peu rose aux joues. Amaya était figée par la surprise, mais elle devait avouer qu’elle avait aimé ça.

     

    « J’ai souvent vu mes parents faire, avoua Alika, gênée.

    - Ne t’inquiète pas... moi aussi. »

     

    Avec un regard complice, elles retournèrent dans la cour d’école où Shozen s’échauffait avec un bâton en bois. Alika lâcha la main de son amie et s’empara du second bâton avec un bon plan en tête. Un plan impeccable qui mettrait très bien la honte au petit vantard.

    Les cours avaient terminé et à peu près toute la classe s’était rassemblée en petit cercle pour regarder les deux jeunes ‘combattants’. Yuka avait été un peu trop curieuse et avait laissé les patients aux mains de son assistant pour voir de quoi aurait l’air sa petite-nièce. La professeure était déjà partie et aucun adulte ne les surveillait, sauf la tante bien sûr. Shozen plaça le bâton sur son épaule et déclara :

     

    « On va commencer avec les arts martiaux et si Miss Alika-Chan se rend jusque-là, alors on enchainera avec les bâtons.

    - Ça me va de même ! déclara-t-elle. Allez qu’on en finisse et que tu repartes en pleurant ta Maman !

    - Tu commences très mal petite ! »

     

    Il s’élança sur elle avec un coup de poing un peu maladroit – pour les yeux d’Alika – et elle l’évita en bloquant. Ce premier blocage le surprit un peu, mais il décida de ne pas se laisser faire et de continuer. Il pensait que c’était de la chance qui avait tourné du côté de la fillette. Alika recula en même temps que ses coups et se laissa parfois toucher, laissant un peu de chance au jeune garçon. Yuka mit une main sur ses yeux avant de la passer sur sa joue et de s’accoter sur la barrière. Elle se demandait si Shozen allait vraiment gagner sur sa petite-nièce qui l’avait peut-être sous-estimé. Toutes les filles grimaçaient un peu en voyant Alika se faire de temps en temps ramasser par Shozen, surtout Amaya.

     

    « Hé bin, on m’a sous-estimé pas vrai ? ricana-t-il méchamment. »

     

    Alors qu’il avait la manche de la jeune combattante dans sa main et qu’il s’apprêtait à lui faire faire la culbute par en arrière, Alika sourit et renversa les positions en soulevant Shozen dans les airs, par-dessus-elle et l’étala sur le sol, stupéfiant tout le monde, même sa grande Tante.

     

    « Non, tu m’as sous-estimé mon vieux, répondit-elle. »

     

    Il se redressa vivement, le feu aux poudres et tenta de faire redescendre la balance de son côté, mais il remarqua que son adversaire était coriace, tenace et analysait rapidement la situation. Il se faisait donner la racler à chaque coup et n’arrivait pas à la toucher car elle bloquait tout en attaquant.

     

    « Comment est-ce possible ?! Il aurait fallu qu’un lancier t’enseigne ça ! 

    - C’est mon secret. »

     

    Elle prit les deux bâtons et jeta l’un d’eux à Shozen.

     

    « Je sens que je vais m’amuser, viens donc pour voir. »

     

    Il grogna.

     

    « Je ne me laisserai pas battre par une fille comme toi ! »

     

    Il s’élança et fut stupéfait de sentir la puissance de la contrattaque dans le bâton de son adversaire. Alika repoussa aisément l’arme en bois et commença ses parades. Elle se souvenait que sa mère ne retenait pas toujours ses coups de lance quand elle s’entrainait avec elle, utilisant parfois toute sa force contre sa fille. Elle n’avait que sept ans, mais pour Yuka, elle n’avait jamais vu une si jeune combattante avoir autant d’agilité et de vitesse dans le maniement d’un bâton. Son style était presque semblable à celui de... Jiguro ? pensa-t-elle soudainement. Mais c’est impossible ! À moins que Balsa… Même Shozen perdait l’équilibre alors qu’Alika prenait encore le dessus sur lui. Il n’arrivait pas à riposter et se mangeait quelques coups de bâton. Amaya reprit confiance en son amie et se surprit à penser qu’elle avait la meilleure amie combattante au monde. Soudain, Alika fit tournoyer son bâton avec celui de son adversaire et lui fit lâcher, envoyant tournoyer l’arme en bois plus loin dans l’herbe, aux pieds des partisans de Shozen. Elle le poussa contre l’herbe par un coup de pied au niveau du tronc et s’élança dans les airs en faisant un magnifique salto gracieux et elle atterrit droit sur lui, lui posa lentement un genou sur le torse – elle n’avait pas l’intention de le blesser, juste lui mettre une honte monumental – et pointa le bout du bâton au niveau de sa gorge. Il ne bougea presque pas la tête comme si c’était une évidence de se faire tuer de la sorte.

     

    « Mon vieux, si j’avais eu une vraie lance, tu serais mort ou en mauvais état à l’heure qu’il est. »

     

    Elle se retira, jeta le bâton dans l’herbe et accueillit Amaya qui lui sauta dessus avec joie. Shozen se redressa, se maudissant et se questionnant sur les vrais habilités d’Alika et poussa ses partisans qui se moquaient déjà de lui.

     

    « Nom du dieu Yoram !

    - Tu étais si agile, si rapide ! s’émerveilla Akiro.

    - C’est quoi ton secret ?

    - Comment as-tu fait ?!

    - T’étais super !

    - Je n’ai... que laisser aller le combat, répondit-elle en souriant, Amaya toujours dans les bras. Ça fait du bien de combattre comme ça.

    - Du bien ?! Non, ça c’était brillant ! rectifia Amaya, presqu’aux anges dans les bras de son amie.

    - Au moins, Shozen ne pourra plus te sous-estimer, dit Akiro.

    - C’est vrai. »

     

    Yuka s’approcha d’Alika et sourit.

     

    « Yuka ! Tu es venue me voir !

    - Bien sûre. Tu étais splendide.

    - Merci ! »

     

    Elles revinrent à la maison de guérison. C’est sûr que les parents des autres élèves auraient un peu de mal à croire cela, mais Yuka ne s’en fit pas trop pour la réputation de sa petite-nièce.

     

    « C’est ta Maman qui t’as appris les arts martiaux et le maniement de la lance ? questionna-t-elle alors qu’elles étaient attablées sur la table du salon.

    - Oui.

    - C’est une bonne professeure ?

    - Oh oui !

    - A-t-elle retenue ces enseignements par Jiguro ?

    - Oui. Et elle dit que ça semble se transmettre de génération en génération.

    - On dirait bien. Hé bin, ceux qui disent que le sang de guerrier ne passe que de père en fils semblent totalement se tromper.

    - Papa n’est pas un guerrier. C’est un apothicaire et un médecin comme toi. Et... (son regard joyeux se changeant en un regard inquiet) Tante Yuka ?

    - Oui ?

    - ... Je crois que... j’aurai pas d’héritiers.

    - Ah ? Comment ça ? Tu penses être stérile ?

    - Non... vois-tu, je crois qu’il y a une fille pour laquelle je crois avoir des sentiments naissants, mais j’ai que sept ans...

    - Ça se peut que tu sois lesbienne.

    - Tu crois ? s’étonna-t-elle avec un peu de crainte.

    - On ne choisit pas son orientation sexuelle, Alika. Si tu aimes les femmes aux hommes, ce n’est pas personne qui va t’empêcher d’aimer qui tu veux.

    - ... Je ne sais pas...

    - Aimes-tu cette fille ? »

     

    Alika baissa la tête, de façon coupable avant d’hocher doucement la tête de manière positive.

     

    « Yuka ?

    - Oui ?

    - ... On s’est embrassées... sur la bouche... avoua-t-elle, toute penaude comme si elle avait commis un péché. Et j’ai adoré ça... »

     

    Cette révélation sembla choquer un moment la grande tante, mais elle n’en fit rien et caressa ses cheveux avant de l’attirer dans ses bras.

     

    « On ne maîtrise pas les sentiments du cœur. Et puis, ça ne change pas ta magnifique personnalité. Tu es pleine de vie, de joie, tu es radiante, Alika. Ceux qui ne seront pas contents de toi iront se jeter la tête dans les poubelles, rit-elle. Moi, je continuerai toujours de t’aimer, peu importe ce que tu es et ce que tu fais. »

     

    Alika enlaça sa grande Tante, soulagée.

     

    « Alors dis-moi, comment s’appelle cette jolie jeune fille qui fait battre ton cœur ?

    - ... Elle s’appelle Amaya.

    - Tu connais son nom de famille ?

    - Non... pourquoi ? Tu connais une autre personne qui porte le nom d’Amaya ?

    - Non, mais je pense avoir déjà entendu parler d’une petite Amaya à quelque part dans une bride de conversation. 

    - ... Yuka ? Où crois-tu qu’elle est ma Maman présentement ?

    - Pour tout dire, je n’en sais rien. Elle doit être en train de régler ses problèmes comme une grande personne, je suppose.

    - Je vais dire que tu as raison.

    - Ce n’est pas toi qui m’as dit qu’il fallait lui faire confiance ?

    - Oui.

    - Alors, continuons de lui faire confiance. Je suis sûre qu’elle le sait au fond d‘elle-même. »

     

    La grande tante offrit une boîte à sa petite-nièce et lorsqu’elle ouvrit, découvrit les empreintes de mains et de pieds de son frère Kasem, les langes dans lesquelles il avait été enveloppé à sa naissance, des petits bas de laine minuscule avec une douce couverture que Yuka avait tricoter, des bouts de ses cheveux, et même un morceau de son cordon ombilical, ce qui attira un regard disant « Kossé ça ?! » de la part d’Alika.

     

    « Il a fait partie de votre famille même s’il n’est pas resté longtemps, avait confessé Yuka.

    - D’accord...

    - Montre ça à ta mère quand tu penses que sa douleur sera moins grande. Elle va surement avoir de l’émotion en voyant ça, mais dis-toi que c’est normal de pleurer dans ces moments-là. D’accord, chouette ?

    - Okay ! »

     

    * * *

     

    J’aime vraiment trop comment Yuka s’attache à Alika !

    Je dois vous avouez que mon passage préféré surtout a été d’écrire comment Yuka la protège des gardes et aussi comment Alika met la honte à Shozen !

     

    Bon, maintenant vous allez me dire : tu commences à parler de Yuri dans ta fanfic !... Bah à proprement parler, moi j’appelle ça de l’homosexualité, mais vous devez savoir que dans l’ère Heian (794 – 1185) – je place Seirei no Moribito dans cette période historique japonaise – l’homosexualité n’était pas reconnue ni même blâmer et il était même convenable qu’un Sensei ait des relations homosexuelles avec son « élève » et les femmes, bin, les hommes les considéraient sans sexe à proprement parler lorsqu’elles ne portaient pas d’enfants... En tout cas, je ne compte pas m’éterniser sur ce sujet, mais dans ma fanfic, cela paraîtra presque normal. J’ai bien dit ‘presque’ hein ? x) 

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